L’EFFICACITE DE LA CLAUSE DE CONCILIATION

    La rentabilité économique obtenue par un contrat d’affaire, associée à la commercialisation de produits répondant à des spécificités techniques de plus en plus complexes, conduisent les acteurs du droit à établir deux constats. Le premier repose sur l’idée que nous sommes face à une augmentation croissante du nombre de litiges nés des contrats d’affaires. Le second revient à admettre que l’attractivité économique de ces mêmes contrats pousse les parties à préserver le plus longtemps possible, leur relation contractuelle bien que conflictuelle. Autrement dit, il ne s’agit pas simplement de régler un conflit naissant mais de rétablir la relation contractuelle telle qu’elle l’était avant l’arrivée du conflit. L’intervention judiciaire, si elle met un terme au litige, peut laisser des séquelles et essouffler l’entente entre les parties. Une méthode alternative de résolution des conflits est donc à prioriser dans un contrat d’affaires. « Les clauses de conciliation ou de médiation figurent le plus souvent dans les contrats d’une certaine importance ou d’une certaine durée ». Cette affirmation ne fait que démontrer l’importance de la conciliation dans un contrat d’affaires. Utile, cette méthode est appréciée des acteurs économiques qui n’hésitent pas à la prévoir en amont du conflit. A cette fin, ces derniers insèrent une clause de conciliation dans leur contrat.
Cette étude porte sur l’efficacité de la clause de conciliation. Si nous revenons à la citation de Ph. Grignon nous constatons que celui-ci vise indifféremment les clauses de conciliation et de médiation. En effet, si la distinction entre la médiation et la conciliation est naturellement développée par chaque ouvrage de droit ayant trait aux méthodes alternatives de règlement des conflits, il n’en est rien des clauses qui les portent. Il ne s’agit pourtant ni d’une erreur ni d’un « complot » orchestré par les auteurs juridiques dans le seul but d’y perdre le lecteur. L’explication est pour le moins rationnelle : si la différence entre ces deux notions est notable du point de vue littéral et processuel, elle l’est moins du point de vu contractuel. La médiation et la conciliation sont deux méthodes alternatives de résolutions des conflits mais les clauses de conciliation et de médiation créent des obligations juridiques de même nature. Si bien, la transposition des jurisprudences de la Haute juridiction est largement envisageable. Ainsi, étudier l’efficacité de la clause de conciliation revient à étudier celle de la clause de médiation. Mais qu’est ce qu’une clause de conciliation ? C’est une des émanations de la conciliation conventionnelle. La conciliation est la recherche d’une solution négociée au litige. Elle peut être judiciaire, le juge ayant une mission de conciliation. Elle nécessitera cependant l’accord des parties. Mais lorsque la conciliation naît de l’initiative des parties, elle est dite conventionnelle. Cet te initiative est prise soit en aval, soit en amont du litige. Dans ce dernier cas de figure, elle sera obtenue par l’insertion d’une clause prévoyant qu’en cas de litige une solution amiable sera recherchée. Pour en donner une définition générale, la clause de conciliation ou de médiation vise à traiter à l’amiable toute difficulté qui pourrait s’élever lors de l’exécution du contrat.
La clause peut prévoir un degré de contrainte variable, allant de la simple faculté à une réelle force contraignante. Cette présentation aura pour objet d’analyser l’efficacité de la clause de conciliation lorsque celle-ci pose un préalable obligatoire de conciliation, et partant, dispose d’une réelle force contraignante. Peser l’efficacité d’une clause revient avant tout à s’assurer de son effectivité (I), ce sujet nous invite par ailleurs à discuter de l’effet de la clause de conciliation dans le contrat d’affaire (II).

Partie I : L’effectivité de la clause de conciliation
La clause de conciliation crée deux obligations (A) : une obligation de moyen et une obligation de résultat. L’inexécution de ces obligations donne lieu à des sanctions différentes (B)

A : La création de deux obligations
C’est en 1928 que la doctrine distingue l’obligation de moyen de celle de résultat. La différence entre ces deux obligations repose sur leur objet. En fonction de ce qui est prévu, les parties attendent de l’autre un résultat déterminé ou la simple mise en œuvre de moyens.

L’obligation de résultat
L’objet de l’obligation de résultat est nécessairement déterminé, c’est un résultat précis. Si le résultat n’est pas atteint, nul besoin de prouver une quelconque faute, la responsabilité contractuelle est engagée sous réserve d’un cas de force majeure.
La clause de conciliation crée une obligation de résultat, ici l’obligation de ne pas faire. Les parties ont l’obligation de ne pas saisir le juge avant d’avoir tenté une conciliation. La renonciation au droit de saisir le juge n’est donc que provisoire. Les parties retrouveront leur droit d’action sous condition, d’avoir tenté la résolution amiable prévue conventionnellement. On pourrait donc voir dans cette obligation de résultat une « mise sous condition de l’exercice de l’action ». Notons par ailleurs que cette obligation en induit nécessairement une autre : s’essayer à une pacification du débat, participer activement à la conciliation dans le but que celle-ci aboutisse. La clause serait alors doublée d’une obligation de résultat et de moyen.

L’obligation de moyen
L’obligation de moyen peut se définir comme étant la mise en œuvre des moyens nécessaires au résultat escompté sans promettre que ce dernier sera atteint. Il s’agit ici plus généralement d’une obligation de faire, il faut être actif.
La clause de conciliation suppose de ne pas saisir le juge avant d’avoir mis en œuvre une négociation de bonne foi. Affirmation faite, il convient de réfléchir sur cette notion de bonne foi. La bonne foi est rattachée à la loyauté des parties au contrat. Cela consiste à déployer tous les efforts nécessaires en vue de parvenir à une issue négociée et pacifiée. Autrement dit, il s’agit de respecter le souhait des parties au moment où elles ont rédigé le contrat. Les parties doivent respecter leur engagement. Cependant cette clause n’oblige pour autant pas les parties à trouver un accord. Ainsi l’obligation de faire s’efface largement au profit de l’obligation de ne pas faire. Il parait assez difficile de rapporter la preuve de la mauvaise foi de l’une ou l’autre des parties dans ce cas de figure. Cette question sera approfondie dans la partie consacrée à la sanction à l’obligation de moyen.

B : Les sanctions rattachées à ces obligations

La mise en œuvre de la sanction rattachée à l’obligation de moyen
Parce que cette obligation ne porte pas sur la réussite de la conciliation mais bien sur l’exécution de bonne foi du contrat, seul le comportement fautif d’une des parties conduisant à l’échec de la conciliation sera sanctionné. Encore faut-il apporter la preuve d’une volonté délibérée de mettre à mal le processus de conciliation. J.M Mousseron nous en donne des exemples : « Preuve devra être faite que l’une des parties ne s’est pas comportée comme l’aurait fait tout « bon père de famille » : soit en rejetant toutes les propositions de son adversaire, soit en n’en formulant aucune, soit encore en faisant des propositions excessives ou bien dérisoires ». Le cas échéant, elle sera sanctionnée par des dommages et intérêts conformément à l’article 1142 du Code civil. Quoiqu’il en soit, il reviendra au juge d’apprécier la présence ou non d’une faute, ce qui signifie donc que la conciliation aura échouée.
Pour être efficace cette clause à besoin que les deux obligations qu’elle crée soient effectives : ne pas saisir le juge et négocier, participer, vouloir. Or la deuxième de ces obligations ne parait pas avoir de réelle force contraignante. Force est de constater que si l’inexécution de l’obligation de moyen est sanctionnée, la mise en œuvre de cette sanction suppose l’apport d’une preuve qui parait vraisemblablement difficile à constituer.

La mise à l’écart d’une sanction contractuelle au profit d’une sanction procédurale
Si l’on concentre notre attention sur la première obligation, nous remarquerons que la Cour de cassation n’a pas toujours admis que cette clause avait un réel rôle dans le contrat. En effet, avant que la chambre mixte de la Haute juridiction ne mette un terme à ces divergences le 14 février 2003, la première chambre civile s’opposait catégoriquement à appliquer une sanction à l’inexécution de l’obligation induite par la clause de conciliation. L’idée est simple : « la saisine du juge valait renonciation implicite à la procédure de conciliation ». Cette solution pose deux problèmes : d’une part, la portée de la clause de conciliation se voit totalement restreinte. D’autre part, on admet que les parties puissent s’engager de manière potestative. Cette solution revient à ignorer les articles 1134 et 1174 du Code civil.
Avant d’analyser l’évolution jurisprudentielle et la sanction retenue par la Cour de cassation, il convient d’apprécier un panel de sanctions envisageables. L’inexécution d’une obligation de résultat est une inexécution contractuelle. Y sont, a priori, rattachées des sanctions elles mêmes contractuelles : celles découlant du droit commun des obligations. Sont ici visés les dommages et intérêts et l’exécution forcée. L’une comme l’autre ont été écartées.
Si les dommages et intérêts peuvent être retenus en cas d’inexécution de l’obligation de bonne foi, leur utilité serait ici choquante, inadéquate et inefficace.
Choquante car sanctionner le non respect de la clause de conciliation par des dommages et intérêts revient indirectement à admettre qu’il y à un « droit de passage » payant pour saisir le Juge. Le droit d’accès au juge est alors conditionné au paiement de dommages et intérêts.
Inadéquate, puisque contraire à une des finalités même de toutes méthodes de règlement alternatifs des conflits : un coût plus attractif.
Inefficace pour la partie qui peut se permettre de payer ce « droit d’accès ».
L’article 1142 du Code civil prohibe l’exécution forcée d’une obligation de faire. L’exécution forcée est une autre forme de sanction de l’inexécution contractuelle. Pour une partie de la doctrine9 le régime de l’exécution forcée devrait s’appliquer en matière de conciliation et de médiation. Le problème ici est que cela reviendrait à forcer une des parties à s’entendre avec l’autre. Or, la finalité même des méthodes alternatives de résolution des conflits n’est pas de contraindre les parties à trouver une solution amiable mais simplement de les mener vers cette voie. Cela reviendrait à confondre contrainte et incitation.
Le constat est le suivant : les sanctions contractuelles ne répondent pas aux spécificités de la conciliation. Pourtant la troisième chambre civile de la Cour de cassation, suivie de la chambre commerciale, et enfin la deuxième chambre civile vont affirmer successivement que la méconnaissance de cette clause doit être sanctionnée. Cette sanction sera d’ordre procédural.

Le régime juridique de la fin de non recevoir
Ce sont des méthodes de droit processuel qui vont conduire le juge à refuser de statuer tant que les parties n’auront pas mis en œuvre la conciliation. On parle alors de fin de non recevoir. Cette sanction qui existait déjà pour les conciliations judiciaires.
Conformément à l’article 122 du Code de procédure civile « constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir ». Cet article nous offre alors cinq exemples : le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée.
Dans son arrêt du 14 février 2003, la chambre mixte indique que « licite, la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent ». On considère ainsi que le silence des parties vaut renonciation implicite à l’obligation de ne pas saisir le juge. Il s’agit du mutuus dissensus, dissentiment mutuel qui n’est pas contraire à l’article 1134 al. 2 du Code civil.
La Cour ajoute par ailleurs que les fins de non recevoir listé par l’article 122 du Code de procédure civile ne sont pas limitativement énumérés.
Les fins de non recevoir précisée par l’article 122 du code de procédure civile ont tous deux points communs : ces fins de non recevoir sont, à l’exacte opposé de celle crée par la Haute juridiction, définitives et légales. Définitives, puisque « celui qui n’a pas la qualité à agir à un instant t ne l’aura ne l’aura vraisemblablement pas plus à l’instant t+1 ». La Cour de cassation à donc crée une fin de non recevoir pour le moins étonnante : celle-ci est d’une part conventionnelle mais aussi provisoire. Cette fin de non recevoir suspend le cours de la procédure. Cette invention juridique révèle très certainement une forte volonté de la Cour de vouloir voir ces clauses respectées.
Il faut cependant noter que l’irrecevabilité au fond ne fait pas échec à une demande en référé.

Discussion sur l’efficacité de la fin de non recevoir
C’est une sanction effectivement efficace : il n’est rien de plus contraignant pour une partie qui souhaite passer devant le Juge de lui refuser. Il faudra que cette dernière s’essaye à la conciliation, et enfin si cette méthode ne fonctionne pas, elle passera devant le juge.
Si cette solution est certes plus opportune que la sanction contractuelle, elle présente néanmoins une faille. La clause crée deux obligations mais seule la sanction attachée à l’inexécution de l’une d’entre elle peut être facilement mise en oeuvre. Il n’y aura cependant pas de défaillance si une de ces deux obligations était à elle seule suffisante pour rendre la clause efficace. Le constat est négatif : la fin de non recevoir n’est pas une sanction suffisamment contraignante. Le juge saisi par l’une des parties avant toute conciliation refusera de « recevoir » ses prétentions. Il va donc inviter la partie à tenter la conciliation et entendra ses prétentions le cas échéant. En d’autres termes, le juge invite la partie qui n’a pas rempli son obligation de résultat, à remplir son obligation de moyen. Or comme il a été vu, l’inexécution de cette obligation de moyen pourra être sanctionnée dans des cas infiniment restreints (puisque l’apport de la preuve n’est pas facilité).
Ne pourrions-nous pas alors penser à une autre alternative ? L’article 834 du Code de procédure civil vise la conciliation menée par le juge. Le juge ne prononcera pas une fin de non recevoir mais procédera lui-même à la conciliation. Il parait assez paradoxal d’assimiler la conciliation menée par le juge à une sanction. Certes, ce n’est pas ce qui aura été convenu par les parties au moment de la conclusion du contrat. Cependant, les finalités de la conciliation judiciaire étant similaires à celles de la conciliation conventionnelle, cette idée est envisageable. On pourrait aussi penser à demander au juge de statuer en amiable compositeur.
Malgré la volonté incontestable de la Cour de cassation, l’effectivité de la clause de conciliation reste incertaine. Il convient cependant d’analyser les incidences de la clause dans les rapports entre les parties au contrat.

Partie II : Les effets de la clause de conciliation
La clause de conciliation peut évidemment faire réfléchir les parties et les forcer à un moment où elles ne sont plus capables de prendre une décision. Mais il est bien des cas où cette clause crée à elle seule un nouveau contentieux, les interventions de la Haute juridiction tendent à le restreindre (A). Mais même lorsque la clause de conciliation ne crée pas de nouveau contentieux son efficacité n’en reste pas plus prouvée. Nous pourrions parler de « l’inefficacité générale » du choix de conciliation donné en amont du conflit pour parvenir à la conciliation(B).

A : Une clause créatrice de contentieux

Le contentieux autour du formalisme et de l’interprétation de la clause
Le contentieux en la matière est abondant. Certaines interventions de la Cour viennent le restreindre. C’est le cas par exemple de l’arrêt de la première chambre civile de 6 mai 2003.Seule la clause de conciliation écrite peut faire naitre une fin de non recevoir. En l’espèce la clause n’était pas expressément insérée dans le contrat. Ici la renonciation à la saisine du juge ne peut pas résulter d’un usage professionnel.
Mais l’exigence d’un écrit ne combat pas toutes les prétentions qui pourraient naître sur l’interprétation de la clause ni sur son champ d’application.
Certaines donnent des délais, nous indiquent si un tiers conciliateur interviendra ou non, peuvent marcher avec une clause d’expertise, compromissoire, nous indique parfois le type de litige visé par la clause (exécution du contrat, formalisme du contrat, les deux…). Face à cette liberté, nombreux peuvent être les abus. La clause doit avant tout être précise. En effet on confond souvent médiation, conciliation et clause de règlement amiable. Pour éviter de voir un différend se créer à partir de la clause elle-même ou encore conduire le juge à procéder à une requalification, il est préférable de bien définir les contours de celle-ci.
La première chambre civile est venue limiter le champ d’interprétation de la clause : « La clause qui prévoit uniquement une consultation des parties en vue de soumettre leur différend à un arbitrage ou pour refuser l’arbitrage n’institue pas une procédure de conciliation obligatoire, préalable la saisine du juge, dont le non respect, invoqué par le défendeur, entraine l’irrecevabilité de la demande ».

Le contentieux autour de l’étendue de la clause

D’autre part il convient de définir dans la clause l’objet des contestations. Il faut alors se poser une question : le champ d’application de la clause comprend-il le conflit en question ? Il s’agit bien de l’étendu de la clause de conciliation. Renoncer sans limite permettra une interprétation d’autant plus extensive de la clause par l’une ou l’autre des parties. En règle générale sont visées par cette renonciation : « les contestation relatives au présent contrat » ou « tout différent résultant de l’interprétation ou de l’exécution du présent contrat ». Ces expressions générales ne permettent pas aisément de déterminer au moment où la contestation naît, si celle-ci rentre dans le champ de la clause. Pour autant, si le champ d’application de cette clause est étendu à mauvais escient, il convient d’évaluer les risques. Ils sont de deux ordres :
Risque de faible intensité : la perte de temps, le risque est ici qu’une des parties invoque la clause à des fins dilatoires.
Risque plus dangereux : une négociation inégale. Nous pouvons dès à présent l’écarter puisque même à considérer que la conciliation intervienne entre un consommateur et un professionnel, le consommateur sait que celui-ci peut à tout moment la refuser.
L’étendue de la clause de conciliation peut être vaste, peut créer du contentieux, il n’en est pas moins vrai que la clause en elle-même n’est pas « dangereuse ». Non, elle le serait si celle-ci empêchait le droit d’accès à un juge. Ici cette clause retarde le droit d’accès à un juge. Elle le conditionne. Cette clause n’est rien d’autre, hors mis ses finalités processuelles, qu’une obligation à modalité.
Elle ne peut donc être dangereuse car on garde toujours une alternative. D’autre part, c’est bien la partie qui ne souhaite pas se concilier qui garde le pouvoir entre ses mains : une partie préférant la conciliation ne pourra savoir à l’avance si celle-ci aboutira. Au contraire, une partie souhaitant saisir le juge et éviter la conciliation sait par l’avance qu’elle finira par y arriver. Et quand bien même elle se tromperait, ce ne serait que de sa propre volonté : elle aurait alors accepté la conciliation.

Contentieux sur les stratégies dilatoires
Nous avons cependant vu qu’une telle clause peut être insérée dans un contrat de travail. Pourtant une conciliation est prévue dans tout contrat de travail. Pour quelle raison doubler celle-ci d’une conciliation conventionnelle ? Maximiser les chances de voir une des conciliations aboutir ? Non, il est certain que si l’une ne marche pas l’autre ne fonctionnera pas plus. Si la conciliation conventionnelle est censée être voulue des parties, il est certain que ces dernières auraient aussi accepté de se prêter au jeu de la convention prévue par la loi dès le début. Le risque est ici de voir se développer des stratégies dilatoires. La partie invoquant la clause de conciliation gagne du temps et prépare ses prétentions. Pour ces raisons, la Cour de cassation refuse d’opposer une fin de non recevoir à la partie qui saisi le juge sans avoir procédé à la conciliation prévue par la clause.
Il est plus rapide de se concilier que de régler le différent devant le juge. Cependant, la sanction de la conciliation est une fin de non recevoir. Or l’article 123 du Code de procédure civile énonce que « les fins de non recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ». Autrement dit, l’exception de conciliation n’a pas à être opposée in limine litis. Elle peut être invoquée à tout moment augmentant le risque de stratégies dilatoires.
Cependant pour restreindre les stratégies dilatoires, la chambre mixte de la Cour de cassation à indiqué que la tentative de conciliation suspend le cours de la prescription. Il faut tout de même noter que le début de la conciliation et sa fin peuvent être difficiles à dater. Si l’accord est constaté par écrit la date de fin est facile à trouver, mais si la conciliation échoue cela parait plus difficile.
De plus la fin de non recevoir est susceptible de régularisation. Lorsque qu’un juge est saisi sans que le préalable de conciliation n’ai été mis en place, ni que l’exception de conciliation n’ait été invoquée par l’autre partie, si une tentative de conciliation intervient après la saisine du juge et avant que ce dernier ne statue la fin de non recevoir ne peut plus être opposée. On ne peut plus invoquer l’exception de conciliation. Cela permet encore une fois d’éviter les stratégies dilatoires.
On constate que les décisions de la Cour tendent à rendre efficace la clause de conciliation. La clause s’appliquera car sinon les parties se verront opposer une fin de non recevoir. Mais l’efficacité de la clause de conciliation trouve ses limites.

B : l’inefficacité générale de la clause pour parvenir à une conciliation

Une efficacité subsidiaire
Le désaccord sur le fond n’empêche pas la rencontre de volonté sur la forme. Mais encore faut-il que cette volonté naisse au même moment que le litige et non en amont. En effet, deux parties insèrent une clause de conciliation dans leur contrat. Un conflit intervient par la suite. L’une d’elle saisie le juge, ce dernier lui oppose une fin de non recevoir. Face à ce cas de figure il est peu probable que la conciliation réussisse.
Deux alternatives sont possibles : soit agacée mais pressée, la partie se pliera aux recommandations du juge et participera à la conciliation mais sans se prêter réellement au jeu. Elle n’a pas saisi directement le juge parce qu’elle avait oublié la clause de conciliation, elle l’a saisi pour échapper à la conciliation. Autre hypothèse : avant que la chambre mixte décide de sanctionner de fin de non recevoir l’inexécution de l’obligation de conciliation, plusieurs cas ont amené les parties à saisir la Haute juridiction. Cela signifie que le conflit portant sur un problème de fond s’est vu doublé d’une altercation portant sur la clause de conciliation elle-même. Autrement dit, alors même que le litige aurait pu être solutionné par les juges du fond, celui-ci à été porté devant la Cour de cassation. Aujourd’hui cette question ne se pose plus, les chambres sont unanimes. Mais de telles situations peuvent encore se rencontrer lorsqu’une partie contestera l’inexécution de l’obligation moyen, ou encore lorsque l’une d’elle souhaitera prouver que les contestations ne rentrent pas dans le champ d’application de la clause. L’absence de formalisme et l’obligation de moyen laissent une marge de manoeuvre aux parties pour élever des prétentions devant le juge. Ces prétentions sont susceptibles de donner lieu à un ralentissement de la procédure de conciliation. La clause de conciliation ne traitera pas le différent mais sera à l’origine d’un nouveau conflit.
L’idée est qu’une conciliation poussée, sans même être forcée, conduira à un échec. Soit les parties sont d’accord pour recourir à une conciliation au moment du litige et alors la clause n’a qu’un intérêt subsidiaire, soit les parties ne le sont pas et la conciliation n’aboutira pas.
Une autre forme de clause est appréciée dans les contrats d’affaires, et pourrait aboutir à une conciliation réussie.

La clause d’expertise, une alternative pour recourir à la conciliation
Afin de cerner l’enjeu et l’efficacité de ce type de clause il convient de revenir à la définition du mot expert. « Expertus » désigne « un homme ayant des connaissances spéciales dans son art et suffisantes pour que l’on puisse se rapporter à son appréciation dans une décision à prendre ».
Le monde des affaires est marqué par l’évolution croissante de techniques et savoirs faire. Les produits sont de plus en plus spécifiques et répondent à des critères définit par le contrat. Ces critères s’ils ne sont pas respecter peuvent conduire à la naissance de nombreux litiges. Il ne serait alors pas inopportun de recourir à une expertise. L’expert interviendra avec la plus grande neutralité. Il fera état de son savoir technique qui permettra aux parties de mesurer les enjeux juridiques qui y sont liées. Les parties pourront alors calculer l’opportunité ou non de voir le litige se résoudre devant le juge. A titre d’exemple : deux parties conclu un contrat d’entreprise portant sur la fabrication puis la vente d’un objet. Ces dernières insèrent dans leur contrat une clause d’expertise. L’entrepreneur restant impayé celui-ci souhaite saisir le juge. L’acheteur rétorque que ce produit est de mauvaise qualité. Avec la clause d’expertise, l’expert interviendra pour donner de la façon la plus neutre une réponse technique, et non juridique, au conflit. Imaginons que celui-ci démontre que ce produit est défectueux.
L’entrepreneur jusqu’alors déterminé à saisir le juge aux fins de se faire payer y réfléchira certainement à deux fois. Ce dernier préfèrera certainement, et à juste titre, de procéder à une conciliation avec son cocontractant. Autrement dit, le rapport d’expertise aura nécessairement un impact sur la détermination des parties et les conduira à revoir leurs prétentions respectives. Ainsi une telle procédure « favorise le dialogue et permet d’aboutir à une conciliation ». L’expertise permet d’évaluer le risque. Or c’est cette évaluation du risque qui conduira les parties à préférer une conciliation. Cette conciliation à un intérêt pour les deux parties : l’une d’entre elle peut se voir indemniser au surplus, l’autre évitera une mauvaise publicité de son entreprise. « L’expertise (judiciaire) n’est certes pas un mode de règlement des conflits mais il y contribue puissamment puisque la solution du litige dépend souvent de la manière dont ont pu être appréhendés et analysés des problèmes purement techniques ».
En pratique les clauses visant à instaurer une réelle négociation entre les parties avant toute saisine du juge sont bien souvent dites « complexes ». Ce sont des clauses de conciliation et d’expertise prévoyant parfois même qu’en cas d’échec du processus de conciliation un arbitre sera compétent.

BIBLIOGRAPHIE

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REVUES / NOTES
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